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13 mars 2010 6 13 /03 /mars /2010 10:28





Sur des textes de Stéphanie Richard, sur une idée de Yves Ver Poorten... et avec une préface de Pierre Dubois pour l'édition de chez Au Bord des Continents.

carnet-de-Route.jpg
L'histoire de ce premier livre est au moins aussi intéressante que le livre en lui-même.

En 1993, j'ai seize ans, et je rencontre un type étrange qui vend des sculptures de lutins qu'il réalise lui-même en pièces uniques à la braderie Saint Martin (vide-grenier géant et véritable institution pour les Rennais).

Nous discutons, je lui dis que je dessine, et que j'ai une espèce de book dans lequel je range les dessins que je réalise alors. Comme il semble curieux, je repasse plus tard après être repassé chercher le fameux recueil. Alors fan de Frazetta, Wrightson (période Frankenstein) et découvrant tout juste l'existence de Gustave Doré, mes dessins réalisés au rotring semblent l'interpeler.

Yves Ver Poorten (puisque c'est de lui qu'il s'agit), me parle d'un projet de livre dont l'idée lui est venue tout naturellement à force de se faire appeler "le Chasseur de Lutins" par ses clients. Il faut préciser que le bougre fait un bon mètre quatre vingt quinze, qu'il est vêtu de telle manière qu'on s'attend à voir le flûtiste de Hameln ou un troubadour médiéval, et qu'il arbore une fine barbe blonde qui parachève sa fine silhouette coiffée d'une casquette en velours.

Son idée ? Raconter dans un livre, ses rencontres, ses chasses et les captures des lutins qu'il vend dans des cages de noisetiers, admirablement réalisées elles-aussi.
Il faut les voir, ces Kobolds, Trolls, Elfes et autres Faunes grimaçants et rieurs :
N'importe qui eût été conquis !

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C'est ainsi que je commençai ma carrière d'illustrateur du mercredi après-midi (je suis en première E.S. aulycée voisin Emile Zola en ce temps là). Je travaille sur les textes que les sculptures inspirent à Stéphanie Richard jusqu'à ce qu'il y en ait assez pour faire un livre.

Nous sommes en décembre 1995. Les dessins sont terminés, et la première édition entièrement faite à la main commence à apparaître dans quelques lieux à Rennes : le Forum du Livre (où un copain qui travaille alors au rayon BD le fait rentrer de force), à la Coop Breizh... et à la petite boutique rue Vasselot où Yves a entre-temps établi ses bagages et Lutins.

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Et quand je dis "fait à la main", croyez bien que je ne plaisante pas :
Entièrement réalisés en photocopies A4 recto-verso sur un papier recyclé d'aspect grimoire, les tas de pages sont ensuite disposées dans l'ordre de leur apparition, et triées à la main, avant d'y adjoindre la couverture. Là aussi, c'est du fait main, puisqu'on passait la page titre au broux de noix, pour lui donner un aspect encore plus "vieilli". Une fois sec, on collait le tout sur une page A4 cartonnée d'aspect cuir. Idem pour la couv arrière.

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A ce stade, on tasse bien le tout, comme un présentateur de JT avec ses notes, afin que rien ne dépasse, puis on relie le tout avec une bande de sotch noir d'aspect tressé très épais. Yves s'occupait de percer les 10 trous qui viendront accueillir la corde qui parachève l'identité au livre.

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On en fabrique d'abord 50 par 50, puis 100 par 100. (je me rappelle encore ce mercredi après-midi où j'en ai fait 300 !). Un an plus tard, en décembre 1996, 900 "Carnet de Route d'un Chasseur de Lutins" sont écoulés.

 

Une expo à Quai des Bulles 1996, ou je me souviens avoir fait 100 dédicaces (j'ai 19 ans), et une chronique enjouée de Pierre Dubois ("M. Elficologie" himself) sur France 3 Ouest, nous donne des ailes.

Je rencontre alors Patrick Jézequel, jeune fondateur de sa maison d'éditions "Avis de Tempête", et qui est en train de plancher avec Moguérou sur le premier livre  : "Les Korrigans".

Nous n'avons manifestement plus les épaules pour nous occuper nous-mêmes du livre, et Patrick est la personne idéale pour pendre le relais. L'esprit de sa maison, le fait qu'il soit un éditeur en Bretagne et qu'il cède à l'exigence de Yves de garder la fameuse corde nous convainc de lui céder les droits d'utilisation de notre bébé.

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Près de 15 ans plus tard (et plus de 20 000 exemplaires vendus), le livre existe toujours, et a été cent fois copié.

 

Les livres traitant de Féerie portant pour nom une variante de Carnet de Route (Précis de truc - Carnet de Route de bidule - Grimoire machin - et les mélanges : Carnet de précis du Grimoire de machin-chose) ne se comptent plus !

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Et si j'ai longtemps eu du mal à regarder ce livre où pulullent plus que dans tout autre, mes tares de dessinateur (profusion de détails souvent mal-gérés, anatomie inexistantes, même pour des êtres imaginaires), il reste un premier travail sincère qui a visiblement touché beaucoup de gens.

Et si j'en parle aujourd'hui, c'est parce que j'ai eu le chance de pouvoir passer à autre chose, et de faire la paix avec lui !

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"Trondheim"

Cherchez l'erreur dans le dessin : les gros orteils sont inversés !
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"Pacaï"

Je me rappelle avoir dessiné celui-ci en une demie-heure, un dimanche midi, le temps de regarder un épisode de "Nos années coup de coeur" !


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"Danses"

Extrait de la préface par Pierre Dubois

"Parfois les herbes s'écartent, les haies se dérobent, les cercles de trèfles foulés s'ouvrent pour laisser passer un promeneur des fées, un rêveur de lutins.Le passage est indicible comme on glisse à travers la traîne des brumes...

Ce carnet de route d'un chasseur de lutins est le journal de bord d'un voyage vers les grands songes retrouvés, c'est une quête sauvage, un itinéraire des chemins détounés...
Ouvrir ces pages de vieux grimoire c'est franchir d'un bond furtif les rives éblouies des lisières légendaires."

                                      Pierre Dubois



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C'est un peu dur de s'en rendre compte (les scans viennent d'un livre, pas des originaux qui sont chez l'éditeur), mais les reliures des livres contiennent toutes mes influences d'alors (à peu de choses près les mêmes qu'aujourd'hui), plus quelques clins d'oeil à mes potes de lycée (la signature indique "19/7/1995", mois où je passais le bac !).


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