Il faut bien l'annoncer, je travaille en pointillé (traduire : "quand mon emploi du temps me le permet") sur l'adaptation de contes d'un de mes écrivains préférés : Claude Seignolle. C'est prévu chez Mosquito, et il n'y a pas de date de prévue pour l'heure.
Qui est Claude Seignolle ? Un jeune homme né en 1917 qui vient donc de fêter ses 95 ans à la fraise.
Moi qui viens de créer ici la section "Aimons-nous vivants" à l'occasion du décès d'un de mes dessinateurs préférés Sergio Toppi, je joins aujourd'hui le geste à la parole en évoquant ici celui que je considère comme l'une de nos grandes plumes.
Le nom de l'écrivain Claude Seignolle vous est peut-être familier si vous collectionnez comme moi les poche de la collection Marabout Fantastique qui a fait les délices des amateurs de fantastique des années 60-70 pour y avoir publié dans son catalogue les plus grands :
Bram Stocker, Mary Shelley, Jean Ray, RL Stevenson, Thomas Owen, Henry James, Meyrinck, Bradbury, Bloch, Haggard, Maturin, Selma Lagerlof, Hans H. Ewers et Claude Seignolle (donc) sont quelques-uns des grands noms à avoir figuré au catalogue dirigé par Jean-Baptiste Baronian, sous les couvertures sublimes de Henri Lievins (à quand un livre sur son oeuvre ?).
En deuxième position derrière son ami Jean Ray (gagnant toute catégorie avec pas moins de 23 ouvrages dans la collection sous son seul nom), c'est Claude Seignolle qui tient gaillardement la deuxième place du plus souvent édité chez Marabout fantastique, avec pas moins de six fois les honneurs de voir son nom en couverture en haut d'un livre de la collection.
Et si je glisse au long de cet article tant de couvertures de Marabout, sans qu'aucune ne soit celle d'un roman de Seignolle, c'est parce que leur graphisme radical, flashy comme les affiches des vieux films de la Hammer, sont à la base de ma fascination pour le catalogue, lentement rassemblé en collection quasi-complète au fil de vide-greniers.
Mais quand je lis et relis ses nouvelles et romans, je pense aux dessins du maître du macabre, Bernie Wrightson.
Plus particulièrement à la période où il publiait des histoires courtes en noir et blanc dans feu le magazine Creepy.
Des nouvelles de Seignolle, extraites du "Château de l'Etrange" ont d'ailleurs été publiées il y a 43 ans, dans les premiers numéros de Eerie, avec des illustrations d'un tout jeune fan nommé... Pierre Dubois !
J'ai donc commencé il y a bientôt deux ans à adapter une dizaine de ses nouvelles fantastiques et horribles en bande dessinées, et - comme il se doit - en noir et blanc.
"Celui qui avait Toujours Froid" est la première réalisée à ce jour. Elle fait 10 pages.
Il s'agit de l'histoire d'un revenant venu hanter un village Breton. Cette nouvelle, je suis tombé dessus quand j'avais dans les 15 ans, parmi d'autres récits regroupés dans la collection "Légendes de France" (ed. France Loisirs).
Longtemps, j'ai oublié et la nouvelle et le nom de l'auteur. ce dernier m'est revenu 4-5 ans plus tard, alors que je glandais à la fac, et que je commençais à m'intéresser à la littérature gothique, via les adaptations d'Edgar Poe du même Wrightson sus-cité, ou par Richard Corben.
Si j'ai très vite lâché la Fac et l'Anglais, les auteurs cités plus hauts sont devenus des sources d'inspiration pour mes dessins, et Claude Seignolle m'est revenu à la figure comme une évidence fondatrice dans nombre de mes embryons d'histoires d'alors.
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours pensé que son style tout en image, cet art de la chute, feraient d'excellentes transpositions de notre culture folklorique avec les outils des auteurs américains que j'idôlatre littéralement. Mais aurais-je imaginé que Claude Seignolle était toujours des nôtres, et qu'il adouberait ma démarche ? Certainement pas.
Retour en arrière (le dernier). Pierre Dubois, qui vient de signer la préface de mon premier livre (nous sommes en 1995). Je le croise alors de temps en temps à Rennes où tout le monde ici le reconnaît dans la rue pour ses prestations télévisées sur France 3 Ouest. Il m'a alors raconté comment il a rencontré le même Claude Seignolle quelques décennies plus, et comment celui-ci avait été son mentor ! Tout cela relevait de l'improbabilité, tout en étant tellement logique !
Il se passera pourtant encore près de 15 ans avant que le nom, l'oeuvre de Seignolle me fasse le contacter par lettre en 2010.
Et la réponse de ce dernier fût immédiate, et très positive quant à mon désir d'adapter quelques unes de ses nouvelles macabres en bande dessinée. C'est à cette occasion également que je suis rentré en contact avec les éditions Mosquito, et que Michel Jans m'a avoué avoir souvent bourlingué dans sa jeunesse, avec des livres de Claude Seignolle plein le sac à dos !
La boucle est bouclée.
La première nouvelle adaptée par moi a eu les honneurs d'une première publication en juin dernier, en ouverture d'une copieuse bibliographie de Seignolle, revue et augmentée, et signée d'un passionné (le mot est faible au regard de l'individu !) de l'oeuvre du maître.
A cette occasion donc, le fou en question m'a demandé de faire une illustration et une maquette de la couverture dans l'esprit de ces sublimes peintures d'Henry Lievens (voir plus haut), en guise de couverture pour cette nouvelle mouture (plus de 250 pages, tout de même !)
Le résultat ci-dessous :
Le dos du même livre, avec tranche incluse, pastichant la maquette et le logo originel du fameux Marabout perché, livre en main :
Ce travail a été fait au printemps, mais je ne le publie qu'aujourdh'ui, car il fallait garder la surprise à Claude. C'est donc à l'occasion de son quatre-vingt quinzième printemps qu'Alain Sprauel est venu lui rendre visite dans son antre (au sens le plus exact du terme, croyez-moi), pour lui remettre quelques exemplaires du premier tirage de ce livre tout-à-fait collector.
La photo ci-dessous faisait partie de l'envoi reçu fin-jui, avec mon propre exemplaire du livre. Elle montre Claude Seignolle, tout heureux de sa surprise...
... ci-dessous, la dédicace qui y figure...
Ainsi que la page-titre réalisée par votre serviteur :
La même avec le texte, telle qu'elle figurera dans l'adaptation en BD pour introduire la nouvelle intitulée "Comme une Odeur de Loup" :
Une autre page d'introduction :
... et pour finir, la première page du premier récit (qui en compte 10), "Celui qui avait Toujours Froid" :
Le reste, je le garde pour l'heure de la parution de l'album !
Quant à la bibliographie de Claude Seignolle, plus d'infos ici